Chère Najat,
permettez-moi de vous appeler Najat. En échange, vous n’aurez qu’à m’appeler Nicolas.
Je voudrais commencer cette lettre en vous témoignant le profond respect que j’ai pour votre mission de porte-parole du gouvernement, une tâche difficile que vous effectuez avec brio. Bravo !
Mais aujourd’hui c’est à la ministre du Droit des Femmes à qui je tiens à m’adresser et plus particulièrement concernant tout le travail qui est fait pour que la parité femme-homme (j’ai appris ma leçon) puisse être respectée.
Et pour parler de ce point précis, je vais vous parler de moi.
Non content d’être photographe professionnel, journaliste ou encore d’avoir créé un application qui permet de savoir combien ça coûte d’avoir un enfant, je suis avant tout un papa. Il paraît même que je suis de cette catégorie des « nouveaux » papas qui prennent le temps de s’occuper de leurs enfants.
À mon grand étonnement, il paraît que, chez nous, nous ne faisons pas comme tout le monde. Ici, c’est moi qui m’occupe des courses, d’une bonne partie de la logistique de la maison, d’accompagner et d’aller chercher notre fille chez la nourrice ou encore de réveiller toute la petite famille et de préparer le petit déjeuner. Je dis à mon grand étonnement parce que mon parcours n’a rien de différent d’un homme normal.
Vous allez me dire que peut-être je ne travaille pas, ou peu. Et pourtant, si, je travaille comme tout le monde (d’ailleurs, si vous avez besoin d’un photographe…)!
Enfin… justement, peut-être que je ne travaille pas tout à fait comme tout le monde et c’est bien là la différence qui fait (justement) toute la différence.
Si je peux m’occuper de toutes ces choses, c’est parce que j’ai le temps de le faire !
Je suis freelance, ce qui veut dire que je travaille le plus souvent de chez moi et il en a (presque) toujours été ainsi depuis dix ans. Cette situation possède quelques inconvénients, mais elle offre surtout d’immenses avantages dont celui de pouvoir disposer d’un emploi du temps très malléable.
Pourquoi je vous en parle ? Parce qu’il me semble que la France a besoin de changer de mentalité sur le télétravail.
Depuis dix ans que j’observe le monde du travail, ma femme et mes amis (qui sont tous des employés « classiques ») j’ai eu le temps de comprendre que ma situation est vraiment avantageuse.
Imaginez donc, je n’ai pas de temps de transport (gain d’argent et limitation de la pollution), je suis libre de disposer de mon temps (développement de l’autonomie), je peux vaquer à mes occupations lorsque je n’ai rien à faire (développement de la créativité et de l’esprit d’entreprendre), je peux passer plus de temps avec ma fille et enfin je peux offrir à ma famille des week-ends sans les éternelles corvées de courses ou de ménages qui sont une source de stress, de tension et de fatigue.
Chère Najat, si vous voulez vraiment que les hommes et les femmes puissent échanger plus librement les tâches domestiques, alors il faut faire en sorte que le télétravail prenne une part plus importante dans la vie des actifs de France.
Je suis convaincu que le télétravail est la solution à de nombreux problèmes comme, je viens de le dire, l’égalité femme-homme à la maison, mais aussi la saturation des routes et des transports collectifs, la pollution des grandes villes, les phénomènes de foule dans les commerces le week-end alors qu’ils sont quasiment déserts la semaine, les tensions au sein du foyer, plus de temps pour ses enfants (jouer avec eux, les aider dans leur devoir, créer du lien…)
Les travailleurs français sont enfermés dans un schéma qui ne repose plus que sur de vieilles habitudes. À quoi bon avoir une connexion internet très haut débit, des outils de travail informatiques puissants et peu coûteux, des solutions d’échanges et de partages dans le « cloud » si tout ça ne sert qu’à faire transiter des photos de la petite dernière entre l’iPhone et l’iPad ? Quel gâchis !
Évidemment, je ne suis pas un utopiste. Je sais parfaitement que rares sont les métiers qui peuvent réellement se passer totalement d’avoir des employés sur leur lieu de travail. Certains domaines sont d’ailleurs parfaitement incompatibles avec cette situation. Mais, à vrai dire, je ne pensais pas au télétravail pour tous et tout le temps, mais plutôt sur la formule un ou deux jours par semaine.
Les outils de télécommunications sont aujourd’hui largement assez performants pour permettre à quelqu’un de travailler de chez lui tout en continuant à échanger avec ses collègues. D’ailleurs, ces solutions sont très répandues aux USA !
Il me semble donc pertinent que de vous soumettre cette vision des choses car, à mon sens, c’est en se libérant des entraves d’un monde du travail en retard avec la réalité de la vie que l’on pourra réellement et durablement réduire les inégalités entre les femmes et les hommes.
Je vous incite donc à créer, comme le gouvernement sait si bien le faire, une commission avec, par exemple, Michel Sapin pour vous pencher sur la question.
Je vous remercie de votre attention, et j’espère que mon message aura pu, dans une modeste mesure, faire reculer les inégalités, et tant qu’à faire, aidé à préserver la planète.
Bien cordialement,
Nicolas Kalogeropoulos